Le 9 novembre 2008, par Lézard Vert,
Nous sommes surtout deux à être impliqués dans cette discussion : la directrice de l’école et moi-même. Je pense qu’il faut mettre un "e" à "elle s’est tordue...", ma collègue pense que non.
Pourtant je suis sûr de mon fait, j’ai la prétention d’être très carré en orthographe et j’ai déjà vu ma directrice faire quelques fautes sur ses compte-rendus de réunions et autres brouillons de projet d’école.
La phrase exacte est "elle s’est tordu(e) la jambe". L’idée d’écrire cela "elle s’est tordu la jambe" me choque. "elle" = féminin, "la jambe" = féminin, donc avec tout ça, la probabilité pour qu’il faille un "e" est quand même élevée !
Mais un doute me titille, sur lequel ma jeune dirlo appuie consciencieusement. Car je sais qu’il y a certains cas où la langue française se base sur une logique certes... logique, mais extrêmement retorse. Je commence à croire qu’elle a raison. Mais à ce stade du débat, je ne peux plus faire machine arrière ! Céder devant ma presque-supérieure hiérarchique, cela me gêne, c’est une affaire de principes.
Nous prenons à témoin les collègues qui passent dans le bureau. Certains me soutiennent, d’autre soutiennent mon adversaire.
Au final, c’était elle qui avait raison : cela s’écrivait bien "Elle s’est tordu la jambe". Ma directrice, jolie blonde trentenaire très sympa, agite les bras en signe de victoire. Et complète soigneusement le formulaire, contente d’avoir eu le dernier mot.
"Elle" se l’était bien plus que tordue, puisque lorsque j’ai récupéré cette petite, hurlante, sur le sol de la cour, sa cuisse droite semblait (sous un certain angle) plus large que l’autre, comme si la jambe avait carrément tourné à 45° sur l’axe du col du fémur (comme un accélérateur de moto que l’on tourne, si vous voulez).
Elle hurlait vraiment. Je pensais même qu’elle le faisait exprès : elle criait de façon stridente, et me demandait de ne pas la laisser toute seule. En arrivant, pensant aussi à de la comédie, la directrice l’a soulevée, a tenté de la mettre debout avant de la prendre dans ses bras. Elle hurlait encore. Mais ne pleurait pas : costaud la gamine.
Car en vérité, nous avions tous les deux tort : ce n’était ni "tordu" ni "tordue". En tombant dans la cour après un jeu un peu risqué où elle se faisait porter sur le dos d’une camarade, M..., 8 ans, s’était carrément cassé en deux le fémur.