Le 5 août 2007, par Marsyas,
Depuis la balustrade, on entendit quelques rengaines familiales : "REGARDE LES GENS QUAND ILS TE PARLENT !" Nous sommes dans un hall de supermarché. Il y a beaucoup gens, j’aime regarder les gens. Ca change de mon taudis. Ici, au moins, il fait bon, l’air y est climatisé. Des gens se promènent dans les couleurs, ces couleurs ne savent que ces gens existent. Rien ne semble anormal. D’où venaient ces éclats de voix ? Parmi la foule, on a beau scruter les environs, tout paraissait être dans l’ordre. Des gens avec leur caddie, des gens qui rentrent, des gens qui sortent, des gens avec des sacs, des gens avec leurs amis, des gens avec rien, des gens avec des glaces. Étais-je en train de rêvasser ? Je ne dors pas vraiment ces temps-ci. Possible qu’avec ce manque de sommeil je disjoncte un peu.
"REGARDE-MOI !"
On me parle ? La voix venait de trop loin, c’est impossible. Dans l’état où j’étais, il valait mieux que je revérifie. A droite, Giono ; à gauche, non. Rien.
"REGARDE-MOI !!"
Ce fut comme un tonnerre, il fit sursauter plus d’un passant ; tous, sauf un petit bonhomme. Il se tenait droit comme une règle, les bras le long du corps, pas tout à fait désinvolte. Inerte, aurait-on dit.
"JE T’AI DIT DE ME REGARDER !" Du haut de la balustrade je vis un bambin lever la tête et regarder son père les yeux grands d’étonnement. Silence. "NE ME REGARDE PAS AVEC CE REGARD AGRESSIF !" Le bambin baissa la tête. Il posa délicatement ses yeux sur ses petits pieds, son seul refuge, ne sachant où d’autre regarder. Papa recommençait à parler. "REGARDE LES GENS QUANT ILS TE PARLENT !" Le bambin releva la tête incontinent. Papa recommençait à parler. "JE T’AI DIT DE NE PAS ME REGARDER COMME CA !" Le bambin regarda ailleurs. "REGARDE-MOI ! TU ENTENDS ESPECE DE P’TIT CON ?"
Petit con. Con. Ce mot fait partie des mots interdits aux enfants. Les gros mots rappellent les scènes terribles et invisibles. Une porte bloquée, derrière laquelle on entendait tout mais ne voyait rien. Certains parents s’enferment dans leur chambre et se disputent dans le dos de leurs enfants. Ils n’en sauront rien, pensent-ils peut-être, puisque la porte est fermée. Les enfants font semblant de ne rien savoir parce qu’ils ne sont pas sourds ni aveugles. Derrière la porte verrouillée des parents, j’ai entendu des cheveux s’arracher, le choc des coups, des glaces se briser, des chaises se casser. Il lui criait dans les oreilles, elle criait à son tour, elle pleurait, elle criait encore, il criait plus fort et la claquait, elle griffait, elle mordait, il l’étranglait, il hurlait, elle pleurait, elle pleurait, encore et encore. Quand maman pleure sans rien dire, c’est que c’est la fin de la dispute. Maman n’a pas toujours été fragile comme une feuille. Maman est un peu folle et beaucoup rêveuse. Elle ne parle pas ; elle ne parle plus. Ni à papa, ni à son garçon. "C’est parce que c’est une femme et que les femmes c’est comme ça."
Voilà comment un gros mot prononcé trop fort peut effrayer un petit bout d’homme.
La querelle atteignait son paroxysme. La peur inondait la gorge de l’enfançon. Son corps miniature trahissait ses émotions. La petite créature avait les points serrés et quelques papillons dans l’estomac. Sa tête tremblotait, ses jambes d’enfant supportaient le poids de la terreur ; il ne pleurait pas. Il avait peut-être les yeux mouillés et le coeur peureux, mais ne pleurait pas. Il ne pleurait pas et ne pleurerait pas. Parce que quand on est un homme on doit être fort, même quand on a 8 ans et qu’on préfère collectionner les images.
Inerte, avait pensé le père.
Eh bien ! Merci pour cette émouvante contribution...
Et bonne exploration de "Dix Minutes" ! :-)
En boite, je pense. :-D
Sinon, tu as juste oublie un petit detail : d’indiquer la ville ou se passe ton anecdote, dans le champ "sous-titre" (la ou tu as ecrit "des cris, des pleurs...").
Personnellement ca fait longtemps que je n’ai pas poste sur ce site, essentiellement par paresse. Je vais m’y remettre bientot. Mais rassure-toi, il y a toujours des lecteurs pour les billets, y compris le tien. C’est juste qu’ils postent rarement des commentaires.
Oui, je sais bien mais je ne savais pas qu’il fallait indiquer la ville dans l’espace sous-titre :)
D’ailleurs est-ce possible de modifier un article déjà posté ? Si non, la ville c’est Serris (Val d’Europe)
Concernant lieu et thème, j’ai bien vu la rubrique mot-clés mais il n’y avait pas de champs à remplir (ou bien j’ai mal regardé, cela étant, j’avais suivi le tuto.)