Le 2 décembre 2002, par Lézard Vert,
Dans les jours (ou les mois, voire les années) de mauvaise humeur, les trajets dans les transports en commun ne constituent généralement pas un moment d’évasion et de plaisir. Plutôt un renfort, placide, tranquille mais efficace, à nos idées noires...
...néanmoins, il est bon, parfois, que cette routine soit brisée.
Ce mec a à peine dix ans de plus que mois. Il n’a pas passé les dernières années dans un centre de thalassothérapie, j’en mettrais ma main à couper. Les cheveux qui commencent à être longs, une casquette et surtout l’air fatigué.
« Vous n’auriez pas une petite pièce ? » demande-t-il à ma voisine, une jeune femme élégante, de son âge. Elle n’a pas. Moi j’ai, et curieusement, je ne laisse pas le temps à mon champ magnétique de protection de se mettre en marche. Mon « oui » sort spontanément, sur un ton naturel, sans pitié ni agacement. Puis me vient une idée et, en marmonnant « mais si vous voulez manger... », je sors un truc de mon sac plastique et lui tends.
Il accepte et le prend. Avant d’enchaîner : « Vous n’auriez pas en plus une petite pièce ? » - « Ah non, c’est l’un ou l’autre ». Il sourit, jette un coup d’œil dans le sac et y trouve une part de flan fraîchement achetée, me remercie et part vers les passagers du fond de la voiture. En ressortant, il me sourit encore en brandissant le sachet en papier. Je ne pense pas grand-chose. Je suis tellement dans les vapes, aujourd’hui. Mais après m’être demandé si je n’avais pas fait montre d’une terrible faiblesse, je suis vaguement content, tout de même.
Ca me rapelle un vieux soleil...
C’était il y a 20 ans à peu près, dans un hall pisseux de la Gare du Nord. Les gares sont des lieux de prédilection pour la manche c’est bien connu. Je rentrais de l’école, plein de notes, de joies et de peines naïves dans la tête. J’étais jeune. Ma Maman m’avait bien dit de ne pas répondre aux messieurs dans la rue. Et j’avais bien observé le "non" catégorique de la plupart des citadins quand on leur demande une pièce : on se retrouverait vite sur la paille, comme eux, tellement on nous sollicite.
Mais, bon, cette fois-là, un grand type l’air pas méchant me demande une "petite" pièce. Moi, grand seigneur, je voulais lui donner un franc, voire deux. Je pioche au fond de mon jean, sans savoir, une pièce au hasard. C’était dix francs. Un magot pour un jeune adolescent. Un paquet de bonbons entier, 3 croissants, une vraie somme quoi. L’ayant sorti de ma poche, je ne pouvait pas lui dire : "ah non, c’est trop pour ta gueule mon coco, je vais chercher moins..." Je lui ai donc donnée avec un sourire un peu désapointé quand même.
Et le jeune homme s’est exclamé : "Oh, un soleil !"
Je ne conaissais pas ce mot familier pour une pièce de dix francs. Mais j’ai compris. Ca m’a ravi et ma soirée fut vraiment ensoleillée.