Le 1er mai 2006, par Lézard Vert,
Nous sommes un groupe de jeunes des quatre coins du monde, venus dans ce superbe domaine forestier du Nord de la Californie pour découvrir les principes de la "permaculture" et du développement durable.
Nos hôtes sont Max, le directeur de l’assoc’ écologiste, un jeune homme au crâne rasé et à la barbiche de sage, paralysé des jambes et se déplaçant en fauteuil roulant. Sa petite amie, Maria, une jolie Colombienne souriante et bavarde. Le père de Max, Harvey, un vieil homme agréable, ancien psy et spécialiste des contes de fées. Et le fils cadet de ce dernier, Danny, un fêtard musicien qui vit dans la région et vient souvent nous rendre visite.
Nous sommes nous-mêmes une quinzaine, venus d’Europe occidentale, d’Amérique du Nord, de Corée et du Japon. Nos tentes sont rassemblées près de la maison de nos hôtes et de la clairière dans laquelle nous prenons nos repas, nous réunissons et aussi, comme c’est le cas ce soir, faisons la fête. En effet, au début du dîner, Danny est passé parmi les tables en demandant avec entrain : "Marijuana cake ?... Marijuana cake ?..." Je dis oui, et reçois gracieusement un petit morceau de gâteau au chocolat.
Vers la fin du dîner, je détache un petit morceau de gâteau et le mange doucement. Est-ce mon imagination ? Je sens en mastiquant une saveur subtilement différente de celle du simple chocolat. Comme un léger pétillement agréable sur la langue.
C’est lorsque la plupart du groupe quitte les tables du dîner pour aller s’asseoir sous le chapiteau, pour écouter les musiciens, que le voyage commence. Réellement.
Je les ai rejoints et me suis assis en tailleur parmi eux. Les musiciens sont Danny et Kaoni, son ami hawaïen. Ils jouent de la gratte et parfois des percus, en chantant tantôt du reggae, tantôt et surtout un rap coulant et mélodieux à la manière des Fugees.
En l’espace de quelques minutes, je suis entré en plein trip. J’écoute la voix du premier et je me rends compte qu’elle contient tout. Les paroles de ses chansons montrent une compréhension totale du monde, son fonctionnement, ses enjeux et ses peines. Il a tout compris et nous transmet son savoir. Cette voix, elle-même, me semble alors la plus mélodieuse qui soit.
En d’autres termes, j’ai alors l’impression de n’avoir jamais, de ma vie, entendu une musique aussi parfaite.
Dans le même temps, des images s’enchaînent et me frappent avec force, enivrantes, absurdes, précises et logiques tout à fois.
Comme souvent sous l’effet du THC, mon cerveau s’emballe et je saute d’une pensée à l’autre à grande vitesse. Je suis en train de me rappeler que, même si j’adore la musique de ce type, lui-même a tendance à m’énerver, par son caractère trop expansif, grande gueule et moqueur.
Mais soudain je reçois un éclair de compréhension : j’ai l’impression de saisir parfaitement le vrai sens de cela, de comprendre de façon tout à fait cohérente comment les humains interagissent et que le caractère apparemment désagréable de ce garçon n’est qu’un élément d’un Tout harmonieux...