Depuis quelques mois, je travaille dans une mairie proche de Paris. Y prospère une sorte de monarque de 85 ans, qui dans ses jeunes années fut un proche de Malraux, qui développa sa ville admirablement, mais qui mit tout le monde sous sa coupe. Il n’admet aucune objection. Evidemment, cela fait 30 ans que personne ne lui a rien dit de désobligeant.

Avec l’âge, le vieux est devenu incapable de diriger convenablement la ville. Et la semaine dernière, une rébellion des maires adjoints l’a fait sortir de ses gonts.

C’est dans cette période difficile que les quinze personnes de mon service ont été conviées à une réunion pour qu’on nous présente notre nouvelle directrice. Celle-ci, après de longues tractations, a été finalement choisie par le maire adjoint qui veut depuis toujours être calife à la place du calife.

Ambiance glacée, nous tous assis, quand entrent les deux pontes.

Le Maire commence alors une longue dissertation sur l’art et la manière de faire notre travail (du genre : "vous êtes balayeur, voici un objet que vous devriez connaître, un balai !").

Il se félicite de l’arrivée de notre directrice, assise à côté de lui, et pour la présenter, cherche son nom. Il cherche, cherche, et puis, avec une moue méprisante, lâche "ma voisine".

Stupeur dans l’assistance : "il n’a même pas pris la peine de retenir son nom". De marbre, il continue son discours. A la fin, il s’apprête à partir quand celle-ci, réalisant le coup qu’il veut lui faire, arrive suand même à prendre la parole : "Tout de même, je voudrais dire un mot pour me présenter"... Ah oui, ca ce fait ce genre de choses.... "Je m’appelle... untel... "je suis heureuse de venir travailler avec vous, etc."

En rentrant dans nos bureaux, nous nous sommes demandés lequel d’entre nous aurait la joie et le privilège de donner son premier soufflet à un vieux qui en a besoin.