Le 3 mai 2003, par Lézard Vert,
"...cette nuit, sur la Manche, belle et agitée. Vent variable secteur est..."
"...Pour Cantabrico, vent de secteur est à nord-est, mer belle à peu agitée... Pour Magdalena à Elbe, variable peu agitée."
Des messages mystérieux envoyés par-delà les routes et les collines. Des noms de mers, de pays, des noms de femmes (et d’hommes) regroupés en des phrases sybillines, transportées à dos d’ondes dans tout le pays, et jusqu’aux étendues fraîches et immenses de l’Atlantique. Que signifient ces messages, déposés chaque jour dans nos oreilles par une voix douce, à 20h03 précises ?
Ils sont bien plus nets et distincts que les "messages personnels" et "les sanglots longs des violons de l’automne" de Radio Londres. Des progrès techniques ont été faits depuis ces temps troublés : nous pouvons même écouter les annonces de cette jeune femme en streaming, via la même machine informatique qui nous sert à travailler, jouer, commercer et communiquer.
De quoi nous parle la jeune journaliste ? De guerre ? Il ne semble pas : sa voix est trop calme et agréable. Pourtant, l’allure générale de ces messages me les fait ressembler aux appels à la Résistance des années 1940 : des phrases courtes, des indications de lieu, de jour et de personnes, une formulation globalement mystérieuse... Je réfléchis.
Je finis par comprendre : ce sont des billets doux ! Colportés par France Inter, avec générosité et élégance. "Magdalena à Elbe" : la dénommée Magdalena envoie enfin des nouvelles à son pauvre Elbe esseulé ! "Atlantique Nord, belle, peu agitée" : quelqu’un cherche à tout prix à revoir la femme belle et calme qu’il a croisée l’autre soir dans l’Atlantique Nord ! Cette découverte me chamboule. Depuis des années que j’écoutais cette émission sans comprendre...
C’est juré. Demain soir, je serai dans la Manche Ouest, un bouquet de roses à la main, et j’attendrai. Jusqu’à ce que repasse cette fascinante jeune personne "du secteur nord, agitée à très agitée".