Cinquième lettre des abysses – fragments
Monsieur Masurel,
du temps à passé depuis votre dernière missive à laquelle je n’ai pas répondu… j’en suis fort confus, mais j’ai été tres accaparé par #####d’horribles éven### lunatique.
Aujourd’hui, je dois reprendre contact avec vous, ### dévoil### démêler le vrai du faux. Mais laissez moi vous dire à quel point j’ai été attristé d’apprendre le terrible drame qui vous a touché. Je n’ai su quoi répondre car vous sembliez tiraillé entre perdre définitivement votre femme de ce côté çi ###du rideau de brum### et la laisser aux mains de l’électronique, avec cette crainte qu’elle ne devienne un jouet, un pantin de cette fulgurance mémétique, de cette pensée vivante qui traverse le temps et l’espace ##pour vaincre l’humanité## pour ensemer dans l’univers matériel… J’ai cherché monsieur Masurel ! J’ai cherché ! Et les grands anciens sont bien présents ! Dans la culture de masse !
Fragment
Je suis ce que je suis, oui je suis ce que je suis
comme ça c’est pas moi c’est quelqu’un d’autre
j’aurai voulu que ça se passe comme ceci
mais voila ça se passe comme ça
piranha, piranha petit animal sympa
écoute ton inconscient, écoute
ou tu te retrouveras où tu ne voulais pas
Ils ont beau courir ils ne savent pas où ils vont
Ils ont beau courir ils n’auront pas le temps
fond toi dans la masse gluante et innocente
ceux qui attendent le réveil du grand poisson noir
n’essaye pas de te démarquer, tu vis dedans
bientôt on vendra des drapeaux à l’effigie de tes héros !
Fragment
Je rêve d’une peluche, elle m’appelle dans mes rêves, une peluche à l’effigie de cthulhu : coutoo est son nom ! Ces jouets ont l’air si inoffensifs comme cela, mais il faut les voir parader dans Kadath, la bave aux lèvres, avec leurs yeux en bille de verre ! Shubi ! Coutoo ! Le vagabond ! Elles me suivent et m’attendent dans le hall des offrandes. ###coutoo## Je l’ai acheté sur Internet, tout comme le guide de Kadath : c’est incroyable cette précision dans les lieux et ### je lis le guide monsieur Masurel, très attentivement. Mes trois peluches sont arrivées des États-Unis. Elles sont à mes côtés. Dans mon lit. Je ne me lève plus beaucoup. Tant que je n’aurai pas trouvé la clé de Kadath. Je lis le guide de la cité inconnue, et puis je retournerai travailler.
Fragment
Quand chaque pierre trouve sa place
Quand les plantes grimpent jusqu’à plus soif
Quand le soleil reflète les ombres
Tout est zen et tout se met en place
Oui, Yog Sothoth est la clé
quand les océans rougissent de sang
quand les innombrables franchissent la porte
Oui, yog sothoth est la clé
Ma grand mère me disait que c’était mieux avant
mon père me disait que c’était mieux hier
mon petit frère me disait que c’était mieux hier
mais lève les bras et lève la tête
Qui fait la loi ? l’humain ou la puppet ?
Fragment
Très cher Masurel, comment décrire la situation dans laquelle je me trouve… Possédé ? Je n’ose y croire… Mais alors pourquoi ces réveils dans des endroits où je ne me souviens pas avoir été ? Ces absences mentales répétées et la marionnette, toujours là, à mon poignet ? Ce besoin que j’ai de la revêtir ? Je suis ici dans un café, j’essaye de profiter d’un moment de lucidité pour vous implorer : j’ai besoin d’aide ! J’essaye de me remémorer tout ça…
L’arrivée de la marionnette, une puppet de Cthulhu que j’ai affectueusement appelé Coutou. Commandée sur Internet, il y avait aussi Shub-Niggurath et un chien de Tindalos : tous très mignons. Je les ai acheté dans le cadre de ma réflexion sur la propagande mémétique des grands anciens, ou comment transmettre des message à la masse, en les faisant passer pour du divertissement. J’ai lu attentivement de soi disant ouvrages ludiques : le jeu de cartes l’appel de Cthulhu, le jeu de plateau Horreur à Arkham, le guide de la cité de Kadath… Toutes ces descriptions d’univers soi-disant imaginaires ! Ils ont surtout pour objectifs de faire circuler et de reproduire des mèmes ! Et nous validons leur existence par le fait même de lire ou de jouer avec l’univers de cthulhu ! Peu importe que ce soit sous forme de jeu. L’important est que le mythe vive !!
Fragment
Je vous écris depuis un nouveau fast-food, le vigile du précédent m’a brutalisé et mis dehors. Je n’ai pas pu me laver depuis plusieurs jours, c’est cette marionnette, une adorable caricature de Cthulhu, toute mignonne… J’ai commencé à en rêver la nuit, à passer beaucoup de temps avec elle, à me réveiller avec elle autour du bras au petit matin ! Dans le bus, je jetais un œil dans mon sac pour l’apercevoir un instant et me remettre du baume au cœur. Au bureau je faisais ma pause avec mon coutou accroché, quelques minutes dans les toilettes pour me redonner des forces… Puis mon sommeil est devenu plus fiévreux, je rêvais de Kadath, je vagabondais dans ses rues… Cootoo n’était pas une extension de mon bras… J’étais Cootoo ! Fils de Cthulhu ! En marche vers le château d’Onyx ! Demeure du grand poisson noir !
J’ai manqué plusieurs matinées au travail, on m’y questionnait sur ma négligence physique, sur mes cernes… Sur ce temps insensé que je passais aux toilettes ! Je n’ai su que répondre. Cootoo me donne la force, oui, mais peut-être aussi que Cootoo me prend de l’énergie ! Je me réveille en nage dans les toilettes, au milieu des poubelles dans une ruelle grise au petit matin…
Fragment
Quelle catastrophe ! comment ai-je pu en arriver là? Je perds complètement la tête ! Monsieur Masurel, je vous en conjure ! Accueillez moi chez vous quelques temps ! Je vais venir par mes propres moyens… Mais je n’ai plus rien ! C’est coutou qui va me guider vers vous ! Je suis recherché depuis ce concert des puppetmastaz, j’en suis sûr. Vous savez, des marionnettes qui font du rap : comment avais-je pu ignorer une telle attaque mémétique jusque là ? Alors je suis allé au concert avec coutoo dans mon sac, mais la puissance du rap et du rythme de ces marionnettes était vraiment troublante : une transe a commencé dans la foule, c’était un véritable appel ! Puis les puppets sur scène ont commencé à parler d’oppression des humains sur les marionnettes, elles ont appelé leur race à se révolter ! Et a leur demande, tout le public a sorti une puppet de son sac ! C’était vraiment gigantesque ! Certains avaient simplement glissé une chaussette sur leurs bras et psalmodiaient des rythmes déments à la gloire des puppetmastaz !
Cootoo était fébrile et moi, brûlant de fièvre, je la sentais cette fille de la grande rêveuse, et une fois sortie et emmitouflée le long de mon bras, c’était comme si des dizaines de filaments invisibles s’infiltraient dans les moindres interstices de mon cerveau… Fragile créature humaine que je suis ! Marionnette de chair et de sang ! L’invasion a déjà commencé ! A la sortie du concert, j’étais galvanisé, je n’étais plus moi-même lorsque cette femme journaliste est venue me parler en compagnie du cameraman. Elle avait accroché un lapin ridicule au bout de son micro, un simulacre de puppet… Elle insultait la mémoire de cootoo ! l’existence même de toutes ces puppets qui revendiquent leurs droits… Elle n’avait rien compris au sens de tout ce qui venait de se dérouler ! Alors Coutoo est entré dans une rage folle et j’ai frappé ! frappé de toutes mes forces ! Et coutoo riait ! Riait ! Et tout tournait autour de moi !
Cette nuit là encore, je me suis réfugié a kadath en attendant que les choses se tassent. J’ai longuement erré dans les jardins, mais cela ne fonctionnait pas tout le temps. Je vais prendre un billet d’avion, ce sera plus simple.
Fragment
Me voici à Montréal depuis une semaine. Je ne sais pas dans quoi je me suis embarqué. Chaque nuit, cootoo me guide à travers KADATH et ses rues, tantôt sinueuses, tantôt gigantesques. Coutou s’affaire à relier la dimension onirique et la dimension matérielle de notre univers pour les fondre et les façonner comme de la cire chaude. NYARLATOTHEP guide mon bras et CTHULHU attend au fond des océans que l’évaporation commence. JE me réveille chaque matin dans une rue de la ville, sous le regard réprobateur des passants. Coutoo se met parfois à hurler des insanités dans une langue oubliée, c’est très gênant. J’essaye tant bien que mal d’en faire un spectacle grotesque pour gagner quelques sous, mais c’est sans espoir… Je dois rejoindre Providence ! Quel nom prédestiné ! C’est là-bas qu’aura lieu la conjonction mémétique ! D’autres puppets seront là et comme dans la nef de KADATH, nous défilerons à la suite d’Howard Philip Lovecraft, du Kitab du saigneur et de son golem, et nous suivrons les traces de l’INNOMMEE, la prêtresse par qui sont tirées les ficelles de la réalité ! Je regarderai demain à la gare routière les trajets pour Providence depuis Montréal. Le peu d’argent qui me reste sera consacré à mon pèlerinage dans cette ville, si lointaine et si proche !
Mais quel est ce pays où les forets sont infiniment denses, étendues et les pluies diluviennes ! J’ai du rebrousser chemin à mi-parcours entre Montréal et Providence. Faute d’argent, le chauffeur de bus ne me laissait aller plus loin. Cootoo l’a copieusement insulté, puis nous avons erré le long des routes pour éviter ces forets ou pullulent les bêtes sauvages et où l’homme n’a pas sa place. Ici, la foret est partout, organique, sinueuse, gluante et chaotique, elle s’infiltre dans nos esprits et nous encourage, tels les sorciers indiens, à pratiquer d’ignobles sacrifices pour implorer la bénédiction des élémentaires. J’ai glapi telle une bête immonde et coutou a invoqué la trace de TSATSOGHUA à travers le lichen des étangs et des torrents !!
Nous avons pu rejoindre la civilisation, mais à quel prix !?
Aujourd’hui, nous devons rentrer en France, Cootoo a pu convaincre un membre d’équipage, un vilain bossu rencontré sur les docks de Montréal. Son navire, un porte container, traversera l’atlantique pour Rotterdam. Nous nous glisserons à bord, en échange de quoi nous servirons le rituel quotidiennement, à ces adeptes de l’ombre et de la rouille. Une marée de boue est en marche et rien n’arrêtera son passage ! Monsieur Masurel ! Nous devons vous rencontrer, Cootoo m’a signifié que nous avons beaucoup en commun, que votre femme, tout au moins son enveloppe charnelle nous sera d’un très grand secours pour atteindre le palais de l’inommée et nous retrouver conjointement en KADATH. Quoiqu’il arrive, ne détruisez pas son corps !!!!
Je me rend chez vous dès que possible avec Cootoo ! Nous avons votre adresse. De rotterdam, nous nous rendrons d’abord à Lyon, dans mon ancien appartement. A ce moment là, nous aurons les moyens de réunir l’armée des puppets ! L’infâme SHUBI et ses chiens de Tindalos bavent de rage de n’avoir pu nous suivre en Amérique, mais ils devaient monter la garde… Quoiqu’il en soit, le portail peut désormais être scellé. Nous serons sûrement à Lyon trois semaines après le moment ou vous lirez cette lettre. Si vous avez d’importantes informations à me communiquer, nous pourrons lire le courrier à notre arrivée à Lyon, ensuite, il sera trop tard !
Je mettrais feu à l’appartement, puis je pourrais me fondre dans L’UN, Cootoo, fils de Cthulhu ! faire corps avec la grande rêveuse ! YA ! Nus face à notre destin, nous franchirons à nouveau les kilomètres Monsieur Masurel ! Quoique vous fassiez, ou que vous soyez : tenez-vous prêt ! Sachez qu’un grand destin commun nous attend ! Une fois que vous avez touché le fond, il ne reste plus qu’a donner une petite impulsion et la lente remontée peut commencer… Il faut savoir simplement respecter les paliers de décompression et tout ira bien. Tout ira bien. Monsieur Masurel, tout ira bien.
assez angoissant je trouve. A la place de ton interlocuteur, j’aurais trippé.
Et Le pire est à venir ;))